« La peinture représente, écrivit Vinci dans son Traité de la peinture,
les œuvres de la nature, mieux que la parole ou les lettres... »
Sans doute était-elle pour lui une sorte d’apologie du monde visible.
Georges Seurat partait du principe que plus les points seraient petits,
moins on serait obligé de s'éloigner de la toile pour en apprécier le sujet.
Sous le nom de « divisionnisme », Paul Signac en théorisa une approche
scientifique, basée sur les travaux du chimiste Michel-Eugène Chevreul.
Même si, par le biais de la mythologie ou des religions, la plupart des cultures
l’associent à la fertilité, la naissance et la régénérescence, elles n’oublient pas
que l’eau peut aussi être la cause ou plutôt l’instrument d’immenses désastres.
Le peintre Adolph von Menzel s’est sous-estimé, gardant pour lui ses œuvres les plus
personnelles, les jugeant indignes de la critique comme du public. C’est dommage, car
ses esquisses nous disent quel cœur palpitait sous la cuirasse du professionnel accompli.
Les vanités ne symbolisaient pas que la brièveté et la fragilité d'une existence humaine
soumise à la fuite du temps, elle rappelaient l'égalité de tous devant la mort. Le thème
ne pouvait qu'inspirer les artistes, mais comment évoquer le destin brisé d'un enfant ?
Si les peintres rassemblés sous la bannière Hudson River School voyaient la
nature comme une matérialisation divine, nécessitant que l’on transmette son
message avec un maximum d’objectivité, leurs œuvres vibrent d’un romantisme
passionné, qui prouve qu’ils furent également tentés par le panthéisme.
Les impressionnistes ont créé un nouvel accord entre l'homme et la nature
qui l'environne, fondant le premier dans la seconde et faisant de l'ensemble
un même être vivant. Ainsi la beauté de la nature est-elle révélée par la
présence humaine, qui s'en trouve de son côté métamorphosée.
Le poète William Cullen Bryant et le peintre Thomas Cole posèrent ensemble
les bases de ce qui deviendrait l'Hudson River School. D’origine anglaise, Cole
fut pourtant le premier artiste à valoriser le patrimoine naturel des États-Unis.
S’il faut en croire l'historien d'art Kenneth Clark, c’est à Croissy-sur-Seine
que serait né l'impressionnisme, à la Grenouillère, un établissement de
bains, de canotage et de restauration où les petites grenouilles ou grisettes
venaient danser le dimanche en galante compagnie.
« L’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux », écrivait Lamartine
dans ses Méditations poétiques. Cette synthèse fulgurante du romantisme
va comme un gant au peintre paysagiste américain Frederic Edwin Church
qui connut en son temps une célébrité qu'on peine à imaginer aujourd'hui.
Auguste Renoir était entré comme apprenti chez un décorateur de porcelaine alors qu'il
n'avait pas quatorze ans, et se vécut toujours comme un ouvrier de la peinture. C’est la
rencontre de Monet, Sisley et Bazille qui l'orienta vers une quête effrénée du "naturel".
Généralement associée à l'abondance, aux vendanges et à la générosité, à des divinités
telles que Bacchus ou Cérès, à des animaux comme le lièvre et des fleurs comme
le chrysanthème, l’automne aux tonalités chaudes ne pouvait qu’inspirer les peintres.
Alfred Sisley était si discret qu’il dut attendre son décès pour accéder à la notoriété.
Il fut pourtant le plus élégant et subtil des impressionnistes, le seul vrai rival de Corot.
Et chacune de ses œuvres témoigne de cette sensibilité qui l’animait tout entier.
Pour les juifs comme pour les chrétiens, une lutte désespérée pour la survie
a commencé après l'expulsion du jardin d'Éden, puisque l'homme a dû quitter
un lieu harmonieux où tout lui était acquis pour un autre qui n'est que sauvagerie.
Après le Salon d’Automne 1905, qui vit l’avènement du fauvisme,
Matisse ne cessera plus d’affirmer son désir de simplifier la peinture,
abandonnant toute illusion de relief. Débarrassée de sa charge
symbolique, la couleur n’exprimera plus que ses seules émotions.
Féminine par essence, l'eau est source de toute vie, mais chacun de ses états recèle
son propre symbolisme. Ainsi la mer est-elle un symbole maternel dans la plupart
des mythes anciens, où ses profondeurs sont assimilées à l'utérus de la Terre.
De Pieter Bruegel à Claude Monet, l’été fut pour
les peintres un prétexte à célébrer, malgré l'épuisant
labeur des champs, la joie de vivre et les moissons. Retour des Dessous début septembre.
Bouleversé par la Baignade à Asnières de Seurat, Paul Signac se fit
le chantre éloquent et pourtant lucide du divisionnisme, ce fractionnement
néo-impressionniste de la lumière par petites touches de couleur pure.
Si les influences d’André Derain furent nombreuses et variées, il eut lui-même
un impact considérable sur ses contemporains. Pourtant, pour nombre d’entre
eux, sa peinture n’atteignit jamais les hauteurs qu’ils avaient escomptées.
Henri Matisse opposa, aux tourments des intellectuels de son temps,
la beauté paisible de son art en constante recherche de simplicité et
d'élégance formelle, évitant toute référence autobiographique pour
célébrer prioritairement la beauté du monde et la joie de peindre.
« Le premier homme fut un artiste », écrivit Barnett Newman, dans
une déclaration d’intention qui fit florès. Mais contrairement aux autres
expressionnistes abstraits, soucieux de partager avant tout un contenu
émotionnel, lui éleva la couleur au rang d'acteur majeur de la peinture.
« Le style est l'homme même », écrivait Buffon, comme il aurait pu l'écrire
de la touche du peintre. Discrète, enjouée, fougueuse, légère, sensible ou virevoltante, rien ne définit mieux en effet l’artiste-peintre que sa touche.
Opposé aux impressionnistes, Edward Burne-Jones fut pourtant
l’une des principales sources d’inspiration de Gauguin, de Picasso
comme de Marcel Duchamp, pour son Nu descendant un escalier.
Pour Friedrich Nietzsche, l'artiste est moins celui qui s'adonne
à la pratique des beaux-arts que celui qui tente de produire
l'illusion, l'apparence et le mensonge nécessaires à la vie, en
dissimulant sous le voile de sa création la vérité de la nature.
Bien qu’âgé d’un an lors de la naissance de la Confrérie préraphaélite, John William Waterhouse en est l’un des plus brillants représentants.
Le romantisme dérivant vers la représentation de chiens, de chevaux
et de leurs propriétaires, la légende arthurienne fut mise à contribution.
Fondateur de la Confrérie préraphaélite, Dante Gabriel Rossetti
s’en éloigna rapidement, pour aller vers un symbolisme nourri
de thèmes médiévaux rétrogrades. Pourtant, paradoxalement,
c’est dans ses excès mêmes que sa peinture se révèle séduisante.
Si ses œuvres font la fierté de musées internationaux, Henri Le Sidaner est méconnu dans son propre pays.
Pourtant, ses toiles intimistes, à l’atmosphère bleutée,
dégagent un sentiment de mélancolie et d’harmonie.
C’est délibérément que, dans son théâtre du silence, Félix Vallotton
a choisi de nous donner le rôle de voyeurs plutôt que de spectateurs,
histoire de nous mettre dans l’embarras. S’il fut proche des Nabis et
des symbolistes, il n’adhéra jamais totalement à aucun mouvement.
Plus proche du romantisme d’un Friedrich que du symbolisme d’un Rossetti, Arnold Böcklin est pourtant l’un des principaux représentants de ce mouvement,
le peintre qui a le mieux réussi la difficile fusion du rêve et de la réalité, d’une vision
fantastique et d’une représentation figurative, d’un passé fantasmé et du présent.
L’erreur habituelle consiste à considérer que l’art de Pierre Puvis de Chavannes est tout entier contenu dans ses grandes machines,
ennuyeuses pour la plupart. Mais c’est dans ses œuvres de chevalet
que le peintre a révélé quel artiste audacieux et sensible il était.
Si Joseph Wright of Derby fut d’abord influencé par l’école caravagesque d’Utrecht,
son goût des scènes crépusculaires le fit vite évoluer vers un romantisme saisissant,
comme on peut le voir avec sa série de peintures du Vésuve en éruption. Mais c’est
avant tout comme chroniqueur du siècle des Lumières qu’il est passé à la postérité.
En 1886, Giovanni Segantini découvre la Baignade à Asnières de Seurat.
Appliquant le divisionnisme aux paysages qui lui sont familiers, il évolue
ensuite rapidement vers un contenu dominé par la parabole et l’allégorie.
L’intensité quasi mystique de ses toiles fait de lui un symboliste majeur.
On peut dire de l’œuvre de Vilhelm Hammershøi qu’elle est
doublement métaphorique - un intérieur de vie austère pour
signifier une riche vie intérieure et un personnage qui nous
tourne le dos pour évoquer la solitude du peintre créateur.
Les toiles de Peder Mørk Mønsted ont un tel air de photographies que
l’on est est tenté d’identifier un lieu en particulier. En réalité, ce n’est pas
un morceau d’Italie, de Norvège ni même de son Danemark natal que
le peintre nous donne à voir, c’est la quintessence du pays tout entier.
Les visions métaphysiques de Ferdinand Hodler, où cohabitaient l’amour, la mort,
la conscience et le sommeil, ont-elles bénéficié de ce principe de représentation axial,
symétrique et systématique, qu’il avait baptisé un peu pompeusement parallélisme ?
Walter Moras (1856-1925) ne datait pas ses toiles, et l’on ne sait pas grand
chose de sa vie. Pourtant, les amateurs se disputent âprement ses tableaux,
au charme envoûtant, qui représentent tous ou presque les hivers enneigés
en forêt de la Sprée, surprenante réserve de biosphère au sud-est de Berlin.
Parmi les œuvres de Léon Spilliaert, même celles qui tendent vers
l’abstraction sont empreintes d’une déroutante étrangeté, qui génère
mélancolie et anxiété. Sa peinture donne au spectateur le sentiment
qu’il attend dans la solitude un événement qui ne se produira jamais.
Mieux que quiconque et du fait de son enfance paysanne, Pieter Bruegel l’Ancien sut restituer cette vie qui s’obstine malgré les
rigueurs du climat. Les chutes de neige furent particulièrement
abondantes l’année où il peignit les Chasseurs dans la neige…
Deux des œuvres maîtresses de Franz von Stuck, Innocence et Le Péché,
composent à elles seules une sorte de programme éloquent du symbolisme,
avec ce visage rêveur et ces lys blancs d’une part, ce serpent chargé de tant
de symboles d’autre part, enlaçant, lié à la nuit froide et gluante des origines.
En découvrant les projets d’illustrations de Carlos Schwabe pour Le Rêve, Émile Zola s’étonna d’y trouver « tant de choses qu’il ne se
souvenait pas d’avoir mises dans le texte. » Crânement, le peintre,
âgé de vingt six ans, lui rétorqua « qu’il aurait dû les y mettre. »
On a vu dans L’Art ou les caresses de Fernand Khnopff un
symbole universel de la lutte entre désir de domination terrestre
et désir d’abandon à la volupté. À gauche le mâle triomphant,
à droite la femme séductrice. Et s’ils étaient frère et sœur ?
« La découverte de Gustave Moreau, écrivit André Breton, a
conditionné pour toujours ma façon d’aimer. La beauté, l’amour,
c’est là que j’en ai eu la révélation à travers quelques visages et
quelques poses de femmes. Ça a été l’envoûtement complet. »